Par Laurent P : Publié le 23-09-20 sur https://www.sortiraparis.com/
13 juillet 2020 — Le SARS-CoV-2, le virus qui cause la COVID-19, se propage-t-il plus largement dans l’air que ne le laissaient croire les premières études ? Après l’alarme sonnée par plus de 200 scientifiques internationaux, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a reconnu que de nouvelles preuves confirment le potentiel de transmission aérienne du nouveau coronavirus, un aspect crucial à prendre en compte dans tout dispositif de réouverture des lieux publics.
« Nous reconnaissons que des preuves émergent dans ce domaine, comme dans d’autres domaines concernant le virus de la COVID-19 et la pandémie. Par conséquent, nous devons être ouverts à cette possibilité et comprendre ses implications pour le mode de transmission et les précautions qui doivent être prises », a expliqué Benedetta Allegranzi, responsable technique de l’OMS pour la prévention et le contrôle des infections, le 7 juillet, lors d’une conférence de presse en visioconférence.
Selon elle, la possibilité d’une transmission aérienne dans les lieux publics ne peut être exclue, « en particulier dans des conditions très spécifiques, comme les endroits surpeuplés, fermés, mal ventilés ». Cependant, a-t-elle souligné, « les preuves doivent être rassemblées et interprétées, ce que nous continuons à encourager ».
La veille, dans une lettre ouverte publiée par la revue Clinical Infectious Diseases, 239 chercheurs de 32 pays avaient appelé « la communauté médicale et les organismes nationaux et internationaux compétents », à commencer par l’OMS, à reconnaître l’existence d’un « potentiel important d’exposition par inhalation aux virus dans les gouttelettes respiratoires microscopiques à de courtes et moyennes distances ».
Jusqu’alors, l’agence onusienne affirmait que le coronavirus était principalement transmis par des gouttelettes projetées dans un périmètre de 1 mètre par la toux, l’éternuement ou la parole et retombant au sol rapidement après avoir été expulsées. S’agissant de la transmission aérienne du virus, elle préférait ne pas prendre position, faute de « preuves solides ou claires ».
Interrogée sur ce courrier, Mme Allegranzi a fait état d’échanges entre l’institution sanitaire de l’ONU et « de nombreux signataires » au cours des derniers mois. « Nous avons discuté de la preuve disponible qui est évoquée et nous avons également reçu des contributions de la part de plusieurs signataires de cet article », a-t-elle assuré.
L’épidémiologiste Maria Van Kerkhove, en charge de l’unité des maladies émergente à l’OMS, a confirmé lors du même point de presse que les discussions avec le groupe de chercheurs signataires du texte avaient lieu depuis le mois d’avril. Elle a ajouté que l’agence prévoyait de mettre à disposition de nouveaux éléments d’information sur la transmission du virus, ce qu’elle a fait dès le 9 juillet.
Mise au point sur les gouttelettes
Dans cette note scientifique, version actualisée de celle qu’elle avait publiée le 29 mars, l’OMS énonce les différents modes de transmission possibles pour le SRAS-CoV-2 : par contact, par le biais de gouttelettes et par voie aérienne, mais aussi par des objets ou surfaces contaminés (fomites), par l’urine et les excréments, par le sang, de la mère à l’enfant et de l’animal à l’homme.
La note rappelle que la transmission du nouveau coronavirus peut se produire par contact direct, indirect ou étroit avec des personnes contaminées, par le biais de sécrétions infectées telles que la salive et les sécrétions respiratoires ou par des gouttelettes expulsées lorsqu’une personne infectée tousse, éternue, parle ou chante.
Les gouttelettes respiratoires, observe-t-elle, ont un diamètre supérieur à 5-10 microns. En s’évaporant, certaines d’entre elles génèrent des aérosols microscopiques, au diamètre inférieur à 5 microns, qui restent en suspension en intérieur. Ces aérosols peuvent être produits par une respiration et une conversation normales, entraînant un risque de contamination par inhalation s’ils contiennent le virus en quantité suffisante.
Concrètement, la transmission des gouttelettes respiratoires peut se produire lorsqu’une personne est en contact étroit – à moins de 1 mètre – avec une personne infectée qui présente des symptômes respiratoires, par exemple la toux ou des éternuements, ou qui parle ou chante. Dans ces circonstances, il est possible que des gouttelettes respiratoires contenant le virus atteignent la bouche, le nez ou les yeux d’une personne sensible et entraînent une infection.
La transmission du virus par voie aérienne peut notamment se produire dans des établissements de santé, où des procédures médicales génèrent des aérosols. Comme le confirme désormais l’OMS, la possibilité existe aussi que de telles gouttelettes microscopiques se propagent dans l’air à l’intérieur de lieux clos, mal ventilés et abritant un grand nombre de personnes, par exemple dans des salles de chorale, de restaurant ou de cours de fitness.
Les gouttelettes respiratoires d’individus infectés peuvent également se déposer sur des objets, créant des fomites. De nombreux rapports de contamination de l’environnement ont fait apparaître que des personnes pouvaient également être infectées en ayant un contact avec ces surfaces puis en touchant leurs yeux, leur nez ou leur bouche avant de se nettoyer les mains.
« D’après ce que nous savons actuellement, la transmission de la COVID-19 se produit principalement à partir de personnes présentant des symptômes et peut également survenir juste avant qu’elles ne développent des symptômes, lorsqu’elles sont à proximité immédiate d’autres personnes pendant des périodes prolongées », confirme l’OMS. En revanche, l’agence admet ne pas encore savoir dans quelle mesure une personne qui ne développe jamais de symptômes peut transmettre le virus à d’autres.
« Des recherches supplémentaires sont nécessaires dans ce domaine », indique l’OMS, ajoutant que d’autres points essentiels restent également à élucider, tels que l’importance relative des différentes voies de transmission, le rôle de la transmission aérienne en l’absence de procédures de génération d’aérosols, la dose de virus requise pour que la transmission se produise et l’étendue de la transmission asymptomatique et présymptomatique.
La possible propagation par voie aérienne étayée par plusieurs études
Avant de publier cette note, l’OMS dit avoir « activement discuté et évalué » avec la communauté scientifique le fait que le SRAS-CoV-2 puisse se propager par voie aérienne en l’absence de procédures de génération d’aérosols. Elle explique s’être forgé un avis sur la base d’hypothèses s’appuyant sur la physique de l’air expiré et la physique des flux.
L’agence fait ainsi état d’une étude expérimentale qui a quantifié les gouttelettes de différentes tailles qui restent dans l’air pendant la parole normale. D’autres expériences récentes ont permis de confirmer que des personnes en bonne santé peuvent produire des aérosols en toussant et en parlant. Il apparaît que le taux d’émission de particules pendant la parole est variable selon les individus, en fonction de l’amplitude de vocalisation.
Toutefois, relève l’OMS, « à ce jour, la transmission du SRAS-CoV-2 par ce type de voie aérosol n’a pas été démontrée ». De fait, explique l’institution, « beaucoup plus de recherches sont nécessaires étant donné les implications possibles d’une telle voie de transmission ».
Cela étant, la génération en laboratoire d’aérosols d’échantillons infectieux à l’aide de nébuliseurs à grande puissance a permis de trouver de l’ARN (acide ribonucléique) du SRAS-CoV-2 dans l’air pendant une période pouvant aller jusqu’à 3 heures dans une étude et 16 heures dans une autre. L’agence tient cependant à préciser que ces résultats proviennent d’aérosols qui ne reflètent pas des conditions normales de toux humaine.
Des études menées dans des établissements de soins de santé où des patients symptomatiques ont été pris en charge, mais où des procédures de génération d’aérosols n’ont pas été effectuées, ont également signalé la présence d’ARN du SARS-CoV-2 dans des échantillons d’air. Néanmoins, note l’OMS, compte tenu de la faible quantité d’ARN trouvée, il n’a pas été possible d’identifier un virus viable dans ces échantillons.
Dans ces mêmes conditions, aucune transmission nosocomiale n’a été rapportée lorsque les précautions contre le contact et les gouttelettes étaient prises de manière appropriée, y compris le port de masques médicaux en tant que protection individuelle. Là encore, explique l’agence, d’autres études sont nécessaires pour déterminer s’il est possible de détecter un SARS-CoV-2 viable dans des échantillons d’air alors qu’aucune procédure générant des aérosols n’est effectuée.
En dehors des installations médicales, certains rapports d’épidémie liés aux espaces intérieurs ont suggéré la possibilité d’une propagation de microparticules virales flottantes. « Dans ces événements, la transmission d’aérosols à courte portée, en particulier dans des endroits intérieurs spécifiques, tels que des espaces surpeuplés et insuffisamment ventilés pendant une période prolongée avec des personnes infectées, ne peut être exclue », admet l’OMS.
D’autres risques faibles mais à ne pas négliger
Objet de toutes les attentions, au moment où de nombreux établissements professionnels ou scolaires rouvrent ou envisagent de rouvrir leurs portes, ce mode de transmission dans des lieux non médicaux continue de faire débat. Des études suggèrent en effet que des gouttelettes respiratoires classiques ou des fomites peuvent expliquer la transmission interhumaine, a fortiori si l’hygiène des mains n’est pas pratiquée et que les masques ne sont pas utilisés alors que la distance physique n’est pas maintenue.
À ce constat s’ajoute la possibilité que le virus se propage par d’autres voies. L’ARN du SRAS-CoV-2 a ainsi été détecté dans d’autres échantillons biologiques, y compris l’urine et les matières fécales de certains patients. Une étude a notamment trouvé le SARS-CoV-2 viable dans l’urine d’un patient. Le virus a aussi été cultivé à partir d’échantillons de selles. Mais, pour l’heure, « aucun cas de transmission du SRAS-CoV-2 par les matières fécales ou l’urine n’a été publié », indique l’OMS.
De même, si des études ont signalé la présence d’ARN du SRAS-CoV-2 dans le plasma ou le sérum, certaines suggérant même que le virus peut se répliquer dans les cellules sanguines, « le rôle de la transmission par le sang reste incertain », tranche l’OMS, évoquant un risque de niveau « faible ».
En revanche, ajoute-t-elle, sur la base des données disponibles, qui restent limitées, « il n’y a aucune preuve de transmission intra-utérine du SRAS-CoV-2 des femmes enceintes infectées au fœtus ». Dans une récente note scientifique sur l’allaitement maternel et la COVID-19, l’agence explique que des fragments d’ARN viral ont été découverts grâce à la technique dite RT-PCR, dérivée du nucléaire, dans quelques échantillons de lait maternel de mères infectées. Toutefois les études menées n’ont jusqu’à présent trouvé aucun virus viable.
Selon l’OMS, la transmission du SRAS-CoV-2 de la mère à l’enfant nécessiterait que le virus infectieux présent dans le lait maternel puisse atteindre les sites cibles du nourrisson et parvienne à surmonter ses systèmes de défense, ce qui n’est pas le cas. Dans ces conditions, l’institution onusienne recommande que les mères possiblement ou effectivement infectées par la COVID-19 soient encouragées à commencer ou à continuer d’allaiter.
Quant à la transmission de l’animal à l’homme, les preuves rassemblées à ce jour montrent que le SRAS-CoV-2 est le plus étroitement lié aux bêtacoronavirus identifiés chez les chauves-souris. Cependant, le rôle joué par un hôte intermédiaire dans la facilitation de la transmission dans les premiers cas humains reste incertain. Outre les enquêtes menées sur ce chaînon manquant, un certain nombre d’études sont également en cours pour mieux comprendre la sensibilité du SRAS-CoV-2 à différentes espèces animales.
Les preuves actuelles suggèrent également que les humains infectés par le SRAS-CoV-2 peuvent contaminer d’autres mammifères, y compris les chiens, les chats et les visons d’élevage, poursuit l’agence, tout en faisant preuve, là aussi, d’une grande prudence s’agissant des dangers pour l’homme. D’après elle, « il reste incertain que ces mammifères infectés présentent un risque important de transmission aux humains ».
Cet article est issu de https://www.un.org/fr/coronavirus/articles/risk-confirmed-of-aerial-virus-transmission#:~:text=La%20possible%20propagation%20par%20voie,proc%C3%A9dures%20de%20g%C3%A9n%C3%A9ration%20d’a%C3%A9rosols